De l'excellence, de l'innovation                     par Urgence Saclay !

Après la visite d'Emmanuel Macron au Plateau de Saclay le 25 octobre 2017

(communiqué de presse)

Toujours et encore, les élus des majorités de l'Essonne répètent la rengaine et rechantent l'antienne de l' « excellence de leur territoire ». Et combien de fois a-t-on lu « Paris-Saclay, territoire d'innovation » ? Ces quatre mots sont déclinés sous toutes les formes possibles : plaquettes en papier glacé à destination des populations, discours de présidents de conseils locaux pour convaincre des élus peu critiques, sujets d'étude géographique pour porter la propagande jusque dans les classes de collège et lycée.

Dans la bouche de ces responsables locaux, un temps mécontents du peu de prérogatives qui leur étaient laissées quand l’État préempta le pouvoir pour la réalisation de son Opération d'Intérêt National, ce ne sont plus les laboratoires, les chercheurs ou les étudiants qui font naître l'innovation mais c'est leur territoire même.

Puisqu'il en est ainsi, on peut facilement justifier l'investissement de 4,5 Mds€ dans l'aménagement urbain et transport de ce territoire (montant déploré par la cour des comptes en février 2017, pour un projet institutionnel « au point mort ») .

Ainsi on fait venir la campagne dans la ville selon les paroles formidables prononcées pour la présentation à Emmanuel Macron de la maquette du Plateau de Saclay : « le cluster urbain fait entrer la nature dans la ville » et « cet espace vide est un fabuleux laboratoire pour imaginer la ville durable ».
Rappelons que l' « espace vide » dont il s'agit est constitué d'exploitations agricoles sur des terres d'une fertilité reconnue exceptionnelle. (1)

Hélas, la visibilité internationale de cette construction « Paris-Saclay » est loin d'être assurée. Cette visibilité internationale est, rappelons-le, le but des IDEX lancés par Nicolas Sarkozy en 2010. Or l'université Paris-Saclay, officiellement créée en décembre 2014, est toujours invisible dans les classements internationaux. Il faudra sans doute attendre 2020 alors, date à laquelle l'intégration sera peut-être enfin réalisée, selon certaines prophéties.

Pourtant il existe un regroupement français qui a fait une apparition, sans doute insuffisamment remarquée, dans le Graal des classements internationaux. En effet l’Université de recherche Paris Sciences & Lettres (PSL) est entrée en 2017 en 38ème position du classement de réputation du Times Higher Education (voir : http://www.enc-sorbonne.fr/fr/actualite/paris-sciences-lettres-psl-1re-universite-francaise-classement-mondial-du-times-higher).
Et cela grâce à la simple forme de regroupement COMUE, soit une opération essentiellement administrative, sans besoin de déménagement, sans besoin de refaire ailleurs ce qu'on a déjà sur place.

Concernant Paris-Saclay, alors que ce cluster des plus flous peine à émerger dans la conscience mondiale, voici qu'à l'occasion de cette visite d'Emmanuel Macron sur le Plateau de Saclay, il est acté quasi officiellement qu'il y aura en fait, non pas un, mais deux pôles d'excellences sur ce territoire d' « innovation », L’École Polytechnique suivie d'une poignée d'autres établissements faisant sécession de Paris-Saclay !

On peut craindre que cela ne soit pas en faveur de la visibilité tant recherchée et échappant jusque-là à un système français très éparpillé. Ou alors il faudrait faire comme les britanniques du classement cité plus haut : faire notre propre classement international en réservant les premières places à nos propres établissements (Times Higher Education a en effet classé les universités britanniques d'Oxford et de Cambridge aux deux premières positions).

Pas besoin de déménagement et de lourdes dépenses pour cela, un simple site web aurait peut-être suffi.

Et puis, cette focale placée de manière figée sur le Plateau de Saclay, cette confiscation à priori de l' « excellence », n'est-elle pas de nature plutôt à masquer d'autres réussites, des réussites moins labellisées mais non moins socialement utiles situées sur le territoire de l'Essonne ?

Il existe, pour ne prendre qu'un exemple, un hôpital perdu dans un coin de l'Essonne, l’hôpital de Bligny, qui a développé ces dernières années une vraie compétence de terrain sur le traitement des tuberculoses multirésistantes (2). Or la résistance accrue des souches bactériennes aux antibiotiques est vue aujourd'hui, mondialement, comme l'une des menaces potentiellement les plus dangereuses pour l'avenir.

Évidemment dans le contexte, très tendu aujourd'hui, des hôpitaux de périphérie, il ne serait pas vain que les élus s'intéressent à leur territoire. Mais il semble que « leur curiosité ne s'étende point jusque-là ». (3)

(1) Par contre, s'il y a un endroit qui bénéficierait avantageusement de rénovation immobilière et de transport, c'est le plateau faisant face à celui de Saclay : le plateau de Courtaboeuf aux Ulis. Mais pourquoi aller réhabiliter une zone d'activité qui se meurt faute de transports (150000m2 de bureaux vides), et offrir des débouchés aux habitants d'une ville qui a 15% de chômeurs, quand on peut bétonner du beau plateau agricole en face et y déplacer d'autres populations avec un métro lourd tout neuf ?

(2) http://splf.fr/wp-content/uploads/2015/01/JI3-AlexisS.pdf

(3) Les Grands ...
Les grands se piquent d’ouvrir une allée dans une forêt, de soutenir des terres par de longues murailles, de dorer des plafonds, de faire venir dix pouces d’eau, de meubler une orangerie ; mais de rendre un cœur content, de combler une âme de joie, de prévenir d’extrêmes besoins ou d’y remédier, leur curiosité ne s’étend point jusque-là.
Jean de la Bruyère